Tourisme : la découverte en tous sens
Le « sensible », c'est ce qui est perçu par les sens, et c'est aussi un synonyme d'impressionnable et d'émotif. Tout est dit. Partout, les explorations sensibles de territoires, les visites sensorielles de monuments ou de musées se multiplient. On cherche à toucher le visiteur, à l'émouvoir, et plus seulement à le "renseigner".
C'est entendu, on en a déjà parlé dans ce blog, la visite se fait donc immersive et ultra-accessible grâce aux nouvelles technologies. Les outils mobiles apportent des contenus multimédias (presque) en tous lieux et à tout instant.
Avec quelque matériel en plus, on se plonge encore davantage dans toutes les dimensions sensitives d'une collection ou d'un site : dimension sonore (diffusion multiple, son 3 D ou binaural), visuelle (casques et lunettes de réalité virtuelle), tactile (combinaisons à capteurs) voire olfactive, et pourquoi pas bientôt gustative...
Mais attention, il ne s'agit pas seulement des technologies numériques ; la réalité augmentée n'est pas fatalement virtuelle... simplement, elle s'intéresse à tous les sens.
L'heure est à l'expérience
Et la multi-sensorialité est bien une tendance de fond depuis une dizaine d'année.
Elle touche aussi bien les structures culturelles comme les musées et centres de sciences, que les territoires (villes, sites remarquables, parcs naturels, petites cités de caractère ou autres).
Les pays d'Amérique du Nord et d'Europe du Nord suivent cette piste depuis longtemps, le Canada en particulier.
La France semble donc s'y mettre sérieusement. On dirait même que ça va plus vite que dans l'éducation où l'approche sensorielle de Maria Montessori reste encore confidentielle.
Les acteurs du tourisme et de la culture se voient proposer des formations aux visites animées ou sensorielles ou des journées professionnelles sur ce thème.
De petites communes et territoires enclavés sont fières d'offrir ce mode de découverte innovant.
Voilà pour le constat d'engouement ou d'intérêt. Reste à comprendre à quoi sert cette multi-sensorialité.
Attirer de nouveaux publics
Avec les visites « animées », on dépasse les classiques visites guidées ou visites conférences, un peu magistrales, plutôt appréciées des seniors, et on peut enfin s'adapter aux familles.
Dans un musée, la scénographie «sensorielle » permet de contextualiser sans déployer de discours savant. Même novice, le visiteur appréhende plus immédiatement une époque, un objet, un personnage par des sons, des odeurs, des couleurs, des matières à toucher, etc.
Et bien entendu, s'adresser à tous les sens du visiteur permet de pallier d'éventuels handicaps sensoriels : une découverte tactile, audio ou olfactive se révèle précieuse en cas de déficience visuelle. Ainsi, ce parcours proposé à Inzinzac-Lochrist (56) est labellisé tous handicaps.
Concilier enfin tourisme et culture
Comme le rappelle infatigablement Evelyne Lehalle, les professionnels des deux secteurs peuvent se retrouver sur ce terrain multiforme.
La conception d'une visite sensorielle peut faire travailler ensemble les conservateurs et médiateurs du patrimoine, les artistes, les techniciens multimédia, les prestataires de services touristiques, les scientifiques et les communicants, les collectivités ou organismes publics et les entrepreneurs de la culture, etc. Les structures et sites qui veulent développer ces parcours ont en effet rarement les compétences en interne ; ils sont obligés d'aller puiser leurs ressources hors de leur bulle.
Renouveler la communication et lui donner du fond
Certes, le marketing sensoriel est en plein boom et la tentation est grande de s'arrêter à la dimension plaisir et divertissement. Mais ajouter une facette sensorielle à sa communication, c'est aussi fournir une information supplémentaire. Par l'audio naturalisme (cris d'animaux), on découvre plus profondément un milieu naturel. Par l'olfaction, on augmente sa culture œnologique... On ne se contente alors plus de « consommer » un site touristique et culturel, on le comprend, on s'en imprègne !
Créer un attachement
Dans le cas d'un territoire, la découverte sensorielle se rapproche de la notion d'« espace vécu » du géographe Armand Frémont. Ce type de visite présente et suscite une subjectivité presque absolue, celle des habitants s'ils sont invités à exprimer, à raconter leur territoire, et celle du visiteur qui va ressentir l'espace de façon encore plus personnelle. Le lien entre habitant ou visiteur et territoire s'en trouve renforcé.
Tout à fait dans cet esprit, quoique centrées exclusivement sur le numérique, les rencontres professionnelles « territoires sensibles » ont lieu les 9 et 10 février 2017 à la bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône, à Marseille, dans le cadre de Chroniques, la semaine des imaginaires numériques.
Compte Twitter : @HistoireDeSon